Maladies chroniques : pourquoi est-ce si difficile de suivre un traitement sur le long terme ?

Un article de The Conversation du 23 mars 2023 de David Naudin, Coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD – Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, Université Sorbonne Paris Nord

Il est très facile d’oublier de prendre son traitement, contrairement à ce que l’on pense souvent. 

En France, plus de 10 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques – cancer, diabète, sida… Pour les patients concernés, il faut apprendre à se soigner et à vivre avec la maladie. Cet apprentissage n’a rien d’évident car il implique très souvent de devoir adopter un mode de vie, des régimes alimentaires et des comportements nouveaux : prendre un traitement, se surveiller en permanence, réaliser des bilans médicaux réguliers, etc.

Cette autogestion médicale est primordiale pour leur santé… Or, même chez des patients formés via des programmes de type éducation thérapeutique du patient (ETP), la non-observance est forte puisqu’elle concernerait 30 à 50 % des personnes. L’OMS avait, en 2003, avait ainsi estimé qu’« optimiser l’observance médicamenteuse aurait plus d’impact en termes de santé mondiale que le développement de nouveaux médicaments ».

Pourquoi cette difficulté à suivre les recommandations médicales ? Des travaux venus de la neuro-économie aident à mieux comprendre ce phénomène massif – et difficilement quantifiable car protéiforme. L’économie comportementale, en intégrant la dimension cognitive, psychologique et neuronale, a montré que l’homme n’était pas un supercalculateur rationnel parfait… Au contraire de nombreux biais cognitifs, émotionnels et sociaux influencent ses décisions, y compris celles touchant à sa santé et son bien-être.

Pris dans des niveaux de contraintes de natures diverses, nous ne prenons pas toujours les décisions les plus bénéfiques pour nous. Il existe un décalage permanent entre l’intention (la volonté de faire quelque chose, comme ne pas manger un gâteau) et l’action réellement réalisée (manger le gâteau…). Pour une prise de décisions qui doit se maintenir dans le temps, le suivi d’un traitement par exemple, la question est d’autant plus complexe.

Les processus derrière la prise de décision

Selon le neuroscientifique Antonio Rangel, la prise de décision s’appuie sur cinq points : la création de la représentation d’une situation, l’évaluation des actions, leur sélection, l’évaluation des résultats et l’apprentissage secondaire (lié à l’écart entre le résultat projeté et celui obtenu). La neuro-économie montre également que les décisions conscientes sont généralement « pondérées » par les conséquences de nos actes. Cette pondération ne concerne que certains types de décisions :

  • Requérant un investissement (en temps, argent, efforts, etc.),
  • Impliquant d’autres personnes (collaboration, partage…),
  • Mettant en œuvre une action immédiate ou différée : où il faut prioriser des actions, en différer d’autres, en éliminer certaines.

Décider, c’est donc aussi attribuer une « valeur », à la fois objective et rationnelle mais aussi subjective, et donc un ordre aux options disponibles. Cette notion est centrale… mais complexe. La valeur dépend en effet des risques associés à la décision, à la temporalité mais aussi d’aspects sociaux, du contexte, du stress, de la fatigue, etc. Comprendre comment elle est attribuée est donc fondamental.

Trois processus peuvent être engagés pour l’évaluer :

  • Un processus dit pavlovien, qui correspond à l’association conditionnée entre une stimulation et une action (par exemple allumer sa télévision au moment des repas) telle que décrite par le physiologiste russe Ivan Pavlov. L’attribution de la réponse est ici conditionnée à l’exposition à une situation.
  • Un processus de formation des habitudes : la valeur est attribuée en fonction d’un apprentissage essai-erreur dans un contexte donné, et acquise avec la répétition (prendre son traitement avec son petit déjeuner).
  • Un processus orienté par un objectif, avec projection des conséquences. Une action (regarder la télévision) peut être évaluée à travers l’attribution de bénéfices et de coûts (bonne soirée/fatigue d’une séance de sport). Ce processus permet, à la différence des deux autres, de s’adapter aux évolutions du contexte mais il nécessite un effort cognitif.

Selon le mode d’évaluation sélectionné, la décision prise diffère – pour la prise d’un traitement au long court, comme pour tout autre choix. D’autant plus que certains éléments peuvent entrer en concurrence.

L’impact sur la bonne observance thérapeutique

Le suivi d’un traitement est au cœur d’un vaste « puzzle mental », comme le décrit l’endocrinologue et spécialiste du diabète Gérard Reach. Car la valeur associée à la thérapie varie aussi sous l’influence de nos croyances, notre environnement…

Plusieurs facteurs peuvent ainsi influencer l’observance : environnementaux (soutien social), pathologiques (caractéristiques de la maladie), liés au traitement et au système de santé (ressources en soin présentes, etc.) – et personnels, notamment :

  • Cognitifs : liés au niveau de connaissances, d’information et de compréhension de l’utilité des recommandations et des thérapeutiques. Représentations, croyances, coutumes et culture ont un impact direct.
  • Émotionnels. Stress, anxiété, état émotionnel par rapport à la maladie, douleur ou désagréments provoqués par les traitements sont trop souvent négligés.
  • Comportementaux. Les habitudes, l’organisation de sa vie personnelle, les compétences et savoir-faire pourraient être mieux utilisés pour augmenter la « valeur » du traitement – par la création de routine, etc.
  • Sociaux. Les conditions de vie, le soutien des proches et de l’entourage, la qualité de prise en charge sont primordiaux.

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