Les adolescents français ne dorment pas assez

Un article de The Conversation du 7 juin 2021.

Auteurs

  1. Emmanuelle Godeau Enseignante chercheuse – Responsable de la filière des médecins de l’éducation nationale – Membre du CERPOP (UMR1295, Inserm -UPS, Toulouse), École des hautes études en santé publique (EHESP)
  2. Damien Léger Professeur des Universités – Praticien hospitalier, Université de Paris
  3. Stanislas Spilka Responsable unité DATA, Observatoire français des drogues et des toxicomanies

Dans l’opinion générale, enfance ou adolescence sont synonymes de bon sommeil, long, souvent décalé, récupérateur, accompagné de grasses matinées durant les week-ends et les vacances scolaires.

Généralement, la qualité du sommeil est en effet excellente chez les jeunes : sa durée est plus longue que chez l’adulte (10 à 12 heures chez les enfants et 8 à 10 heures chez les adolescents, contre 7 à 8 heures chez l’adulte). Surtout, leur sommeil est plus stable : leurs nuits sont moins entrecoupées d’éveils, et plus riches en sommeil profond, récupérateur.

Toutefois dans les faits, les choses diffèrent quelque peu. Aujourd’hui, la qualité du sommeil des enfants et adolescents ne va plus de soi, car de nombreuses activités et sollicitations viennent concurrencer et retarder sans cesse l’envie de dormir. L’utilisation de toujours plus d’écrans durant la soirée joue notamment un rôle prépondérant dans cette situation.

Pour savoir précisément où en sont les jeunes vis-à-vis du temps de sommeil, l’enquête EnCLASS a été menée en 2018 sur plus de 20 000 collégiens et lycéens de France métropolitaine. Voici ce que nous apprennent ses résultats.

Importance du sommeil pour la santé

Dormir est essentiel pour la santé physique et mentale. Durant le sommeil, de nombreux rythmes physiologiques sont modifiés, et plusieurs hormones contribuant à la réparation des tissus, aux défenses immunitaires, ou encore à l’équilibre métabolique du corps sont sécrétées de façon synchronisée : hormones de croissance, mélatonine, cortisol… Dormir est aussi essentiel pour la mémorisation (notamment via la phase de sommeil paradoxal), la réparation des effets du stress et de l’anxiété, ou encore la maturation du système nerveux chez l’enfant et l’adolescent.

La quantité de sommeil, tout comme sa qualité, sont essentielles pour la santé. Chez l’adulte, il est clairement démontré que dormir moins de 6 heures par 24 heures est associé à un sur risque de surpoids, d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de maladies cardiovasculaires, d’accidents, d’anxiété et de dépression. Chez l’enfant et l’adolescent, on parle de sommeil trop court en dessous de 7 heures par 24 heures. Les types de risque pour la santé physique et psychologique sont alors les mêmes que pour les adultes.

Certains troubles du sommeil peuvent également être associés à des problèmes de santé chroniques, respiratoires (asthme, allergie), digestifs, ou neurologiques (douleurs). C’est par exemple le cas de l’insomnie, qui peut être due à un environnement de sommeil difficile ou bruyant, ou être l’expression d’un mal-être psychologique.

L’usage d’écran avant l’endormissement est à ce titre problématique, pour plusieurs raisons. D’une part, la lumière bleue des écrans stimule l’horloge biologique et retarde la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil. D’autre part, l’interaction sociale tardive le soir, et parfois en pleine nuit, empêche la détente et le repos cognitif, indispensables au sommeil.

Or tablettes ou smartphones peuvent très facilement s’immiscer dans la vie des jeunes en dehors de tout contrôle parental, dans les chambres ou les lits, parfois jusqu’à une heure avancée de la nuit. Les périodes de confinement successives des derniers mois ont en outre très probablement ancré davantage encore ces habitudes chez certains élèves.

Une dette de sommeil en augmentation

Les adolescents français ont été interrogés sur leur sommeil pour la première fois en 2010 et 2011, dans le cadre des enquêtes HBSC pour le collège ESPAD pour le lycée.

Ces dernières ont mis en évidence qu’une proportion croissante des collégiens avait un sommeil de trop courte durée pendant les périodes de classe et une dette de sommeil. Il y a 8 ans déjà, l’utilisation des écrans dans la soirée avait été associée à un sommeil plus court ainsi qu’à des troubles d’endormissement. Présents chez les collégiens, ces troubles du sommeil augmentaient avec l’âge et se retrouvaient chez les lycéens. Huit ans plus tard, la situation ne s’est pas améliorée.

L’enquête EnCLASS menée en 2018 a révélé que les collégiens ont en effet perdu en moyenne 20 minutes de sommeil par nuit : en semaine, leur durée de sommeil est passée de 8h37 en 2010 à 8h16 en 2018. Les lycéens n’ont perdu pour leur part que 5 minutes sur la même période : ils dormaient en moyenne 7h19 en 2018.

Entre la classe de 6e et celle de 3e, les élèves perdent un quart d’heure de sommeil par an, avec une durée moyenne qui passe de 8h50 à 7h45, ce qui représente plus d’une heure de sommeil en moins par nuit au décours du collège. Si le passage du collège au lycée entraîne une nouvelle perte de sommeil de 19 minutes en moyenne, cette durée n’évolue ensuite quasiment plus, diminuant seulement de 7 minutes entre la seconde et la terminale.

Soulignons que les garçons de terminale ont le temps de sommeil moyen les jours de classe le plus court : 7h05. Cette durée est proche de la durée de sommeil des adultes les jours de travail en France, laquelle est de 6h58 d’après les données du dernier Baromètre Santé.

En 8 ans, le pourcentage de collégiens dormant moins de 7 heures par 24h les jours de classe, autrement dit le seuil sous lequel le risque de comorbidités est plus élevé, est passé de 7,8 % à 13 % et celui des lycéens de 25,1 % à 29 %.

Aujourd’hui, un collégien sur quatre (26,7 %) et quatre lycéens sur dix (43,7 %) peuvent être considérés comme étant en « dette de sommeil » (car dormant au moins 120 minutes de plus les matins sans classe en regard de ceux avec classe le lendemain). Au collège, cette dette est beaucoup plus préoccupante chez les filles que chez les garçons (31,4 % contre 22,2 %). Cette différence existe aussi au lycée, quoique dans une moindre proportion (46,5 % contre 40,8 %).

Fatigue le matin et durée d’endormissement

Une des premières conséquences du manque de sommeil est la fatigue, en particulier le matin. Globalement, la moitié des élèves du secondaire sont fatigués au lever au moins un jour par semaine. Plus encore, 3 collégiens sur 10 (30,6 %) et 4 lycéens sur 10 (41,4 %) se sentent fatigués presque tous les jours de classe en se levant le matin.

La suite sur:

https://theconversation.com/les-adolescents-francais-ne-dorment-pas-assez-162819

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